Colloque GRAFEM 2025 – Dysgraphie & TND
Paris, décembre 2025 –
Le premier colloque national de la GRAFEM, organisé à la Mairie du 15ᵉ arrondissement de Paris, le 15 novembre dernier, a rassemblé plus d’une centaine de professionnels autour d’un enjeu central : mieux comprendre la nature de la dysgraphie, ses interactions avec les troubles neurodéveloppementaux (TND) et les implications cliniques qui en découlent. Portée par une vingtaine de bénévoles engagés, cette journée a permis de confronter pratiques de terrain, données scientifiques et perspectives institutionnelles, dans un contexte où les troubles de l’écriture bénéficient d’une visibilité grandissante mais restent encore peu structurés dans les nomenclatures existantes.
Dysgraphie : un trouble multiforme, encore peu reconnu dans les classifications actuelles
La vaste revue de littérature scientifique présentée par Florence de Montesquieu, graphothérapeute et auteure, a apporté une base solide à la journée. Son analyse et synthèse souligne la grande hétérogénéité des difficultés d’écriture, tant dans leurs manifestations que dans leurs mécanismes sous-jacents. Cette diversité explique en partie l’instabilité terminologique du champ : les études décrivent une multitude de définitions, de critères et de modèles, sans consensus international.
Le Pr Michel Habib l’a d’ailleurs rappelé lors des questions et réponses de la Table Ronde qui a suivi : « Il y a vraiment un besoin d’éclaircissement de la terminologie à l’heure actuelle. »
La revue confirme, cependant, que la dysgraphie :
– présente une nature multiforme, avec des profils qui se distribuent sur un continuum sans véritables catégories étanches ;
– coexiste fréquemment avec des TND, ce qui complexifie l’évaluation et peut masquer la nature précise des difficultés ;
– peut être décrite actuellement, selon Marianne Jover, en cinq sous-types principaux, fondés sur les contributions respectives des dimensions motrices, perceptivo-visuelles, exécutives, linguistiques et psycho-affectives ;
– n’apparaît dans aucune classification internationale comme un trouble isolé, mais est évoquée de manière indirecte, le plus souvent comme un symptôme d’un trouble plus global (troubles des apprentissages, TDC, etc.).
➔ Ces éléments mettent en évidence un besoin : structurer un langage commun et développer des outils d’évaluation plus sensibles, capables de distinguer les composantes spécifiques du geste graphique.
Éclairage neuroscientifique et clinique : vers une approche intégrée de l’écriture manuscrite
Les travaux présentés, en avant-première et sous embargo, par Aude Joffroy-Frixons doctorante à Aix-Marseille Université (AMu), soutenue par le Pr Michel Habib, neurologue, ont illustré les avancées récentes dans l’étude de l’écriture manuscrite à l’interface des neurosciences et de la psychologie du développement et pourraient peser pour un remaniement des classifications actuelles. Leur recherche interroge la manière dont les processus cognitifs (mémoire de travail, attention, planification du geste), les compétences visuo-perceptives et les habiletés motrices s’articulent pour permettre l’apprentissage et l’automatisation de l’écriture.
Ces résultats confirment l’intérêt d’une approche multidimensionnelle de la dysgraphie, qui intègre simultanément les aspects graphomoteurs, cognitifs, sensoriels et affectifs. Ils soulignent également la nécessité d’une évaluation fine, afin de comprendre non seulement la qualité du tracé, mais aussi la stratégie utilisée par l’enfant, son coût attentionnel et sa capacité à réguler son geste.
Cette perspective rejoint les conclusions de la revue de Florence de Montesquieu : les interventions les plus efficaces sont progressives, multisensorielles, contextualisées, verbalisées et auto-régulées, avec un recours important aux feedbacks et à l’analyse réflexive.
Regards croisés : la convergence des disciplines comme condition de progrès
La table ronde, animée par Rachel Barbey Lamarque, a permis de confronter ces données à l’expérience clinique de plusieurs experts : le Pr Michel Habib, neurologue, le Dr Gilles Leloup, orthophoniste, Amélie de Villèle, orthoptiste et Sandrine Guyet-Bloquet, graphothérapeute et neuropsychologue. Tous ont souligné la nécessité d’un repérage précoce, encore insuffisant en France, et l’importance d’une coordination interdisciplinaire, indispensable pour éviter les errances diagnostiques et optimiser les trajectoires de prise en charge.
Les intervenants se sont accordés sur un point : les enfants présentant une dysgraphie associée à un TND montrent des profils extrêmement variés, où les mécanismes déficitaires et compensatoires interagissent de manière unique. L’enjeu n’est donc plus seulement de corriger un geste, mais d’identifier l’ensemble des facteurs - attentionnels, perceptifs, moteurs, émotionnels - qui influencent les capacités à utiliser de manière efficace l’écriture manuscrite afin de proposer des prises en charge les plus pertinentes possibles. Le Pr Michel Habib a également rappelé que ce n’était pas parce que la dysgraphie, n’était pas, actuellement, clairement identifiée dans les classifications internationales, qu’elle n’existait pas et que c’était un champ qui avait été beaucoup moins exploré que d’autres Troubles des Apprentissages.
Le poids du vécu : un témoignage important
Le témoignage d’Elias, jeune adulte ayant bénéficié d’un accompagnement soutenu du fait de difficultés sévères - « multi-dys »/TSA/TDAH, a apporté une dimension humaine essentielle à la réflexion scientifique. Son parcours montre que lorsqu’elle est cohérente, pluridisciplinaire et précoce, la prise en charge peut transformer profondément la trajectoire scolaire et personnelle des enfants concernés. “Mes nombreux suivis m’ont permis de beaucoup mieux m’exprimer à l’écrit comme à l’oral et sans ça je ne saurais pas ce que j’aurais fait de ma vie.”
Ce récit rappelle que les données scientifiques, les classifications et les outils d’évaluation trouvent leur sens dans l’amélioration concrète du quotidien des familles.
Une reconnaissance institutionnelle en progression
Deux élues ont tenu à exprimer leur soutien :
– Mme Alexandra Martin, députée des Alpes-Maritimes et rapporteuse de la proposition de loi portée par la GRAFEM visant à reconnaître la profession de graphothérapeute, via un message vidéo ;
– Mme Catherine Ibled, députée du 15ᵉ arrondissement, présente lors de l’événement.
Leur engagement témoigne d’une prise de conscience croissante : les troubles de l’écriture ne peuvent plus être considérés comme un sujet périphérique. Ils jouent un rôle central dans la réussite scolaire, la participation sociale et l’estime de soi des enfants.
Une mobilisation collective qui conforte une dynamique scientifique
Coordonné avec rigueur par Dorine Beaumont, le colloque s’est déroulé sans incident, malgré l’intensité des préparatifs. La GRAFEM tient à saluer l’investissement remarquable des bénévoles, la qualité des contributions des intervenants et l’accueil de la Mairie du 15ᵉ arrondissement.
Perspectives : structurer un champ, développer les preuves, fédérer les pratiques
Ce colloque confirme un mouvement de fond : la dysgraphie, longtemps cantonnée à un rôle secondaire dans l’analyse des troubles des apprentissages, est aujourd’hui étudiée de manière plus rigoureuse et plus intégrée. Les travaux présentés renforcent la nécessité :
- d’un cadre conceptuel partagé,
- d’outils d’évaluation validés,
- de pratiques fondées sur des données probantes,
- et d’une articulation plus forte entre les disciplines.
La GRAFEM, portée par sa présidente Maguelone Destang, poursuivra cette mission, avec l’ambition de contribuer à la reconnaissance scientifique et institutionnelle de la dysgraphie, d’accompagner les professionnels dans l’évolution de leurs pratiques et de soutenir les enfants et les familles confrontés à ces difficultés.
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A propos des intervenants au COLLOQUE 2025 :
Expert en neurosciences cognitives et en neuropsychologie, Michel HABIB s’est spécialisé dans les troubles spécifiques des apprentissages (dyslexie, dyscalculie, dyspraxie) et a joué un rôle majeur dans leur reconnaissance scientifique et institutionnelle. Auteur de plusieurs ouvrages de référence, il est également impliqué dans la formation et le soutien des réseaux de professionnels et associations dédiés aux troubles d’apprentissage, fondateur de la Revue de Neuropsychologie et président de l'association Neurodys-PACA. Ouvrages (entre autres) : La constellation des Dys ; Dyslexie : le cerveau singulier ; Le génie des Dys ;
Gilles LELOUP est orthophoniste et docteur en sciences du langage. Il est spécialisé dans les troubles développementaux du langage oral et écrit, ainsi que dans les troubles de l’attention. Il enseigne dans les écoles d’orthophonie à Nice et à Paris, intervient en clinique au centre de référence des troubles des apprentissages (CERTA) de Nice, et participe à la formation continue ainsi qu’à l’élaboration de programmes et à la rédaction des recommandations de bonnes pratiques de soins du langage écrit. Ouvrages (entre autres) : Les aphasies : évaluation et rééducation (co-auteur) ; Langage écrit, graphisme et écriture ;
Amélie de VILLELE est orthoptiste libérale, experte en rééducation neuro-visuelle. Elle est intervenue au sein de structures hospitalières comme le Service Référent des Troubles d’Apprentissage de l’hôpital BICÊTRE à Paris et l’hôpital BECLÈRE, tout en travaillant en pluridisciplinarité. Elle est également formatrice en formations initiales et continues auprès des orthoptistes et d’autres professionnels de santé (orthophonistes, ergothérapeutes, neuropsychologues, et psychomotriciens. Elle participe également au développement du KOPV, outil étalonné d’évaluation de la perception visuelle pour les enfants de 3,5 à 8 ans, qui sera bientôt étendu aux bilans neuro-visuels pour les adultes atteints de maladies dégénératives.
Graphothérapeute depuis près de vingt ans, Aude JOFFROY-FRIXONS est spécialisée dans la rééducation et la pédagogie de l'écriture. Diplômée en sciences cognitives de l'Université Lumière Lyon 2 et de l'ENS de Lyon, elle participe à des recherches sur l'écriture et les troubles neurodéveloppementaux au sein du Centre de Recherche en Psychologie et Neurosciences d'Aix-Marseille où elle prépare actuellement une thèse, sur le sujet de l’écriture manuscrite, qu’elle soutiendra au printemps prochain. Sensible à la diversité des profils cognitifs et à la précocité intellectuelle, elle adapte sa pratique pour instaurer un accompagnement personnalisé et bienveillant.
Neuropsychologue et graphothérapeute – membre fondateur de la GRAFEM, Sandrine GUYET-BLOQUET est spécialisée dans l’évaluation des troubles neuro-développementaux comme le TDAH et la rééducation des troubles de l’écriture. Certifiée à la graphothérapie en 2013, puis diplômée de l’université de Paris Nanterre en neuropsychologie en 2023 suite à un stage de fin d’études au CREDAT (Centre Référence de Diagnostic en Autisme pour les cas complexes), elle accompagne enfants et adultes avec des bilans individualisés et des prises en charges intégrées.
Graphothérapeute, Florence de MONTESQUIEU exerce également depuis plus de vingt ans à Paris. Elle est chargée d'enseignements au Centre de Formation Universitaire en Orthophonie de Poitiers et formatrice chez Graphidys. Elle a également contribué au développement de l'application Dynamilis en collaborant avec l'Ecole Polytechnique Fédérale de Lausanne pour l'évaluation et la remédiation de l'écriture manuscrite sur tablette et auteure d'un ouvrage de référence sur la graphothérapie chez l'enfant et l'adolescent aux éditions Elsevier : la rééducation de l’écriture de l’enfant et de l’adolescent.
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A propos de la GRAFEM
Après deux ans de discussions et de réflexions, la GRAFEM naît le 23 janvier 2022, lors de la journée mondiale de l’écriture. La Fédération GRAFEM des spécialistes de l’écriture manuscrite, regroupe actuellement 220 graphothérapeutes, 3 associations et 5 organismes de formation. Elle encadre les pratiques de ses membres assurant le meilleur accompagnement possible des écrivants et travaille à la reconnaissance de la profession par les institutions et autres professionnels. La GRAFEM garantit un haut niveau d'éthique et prône des pratiques professionnelles rigoureuses pour le bien des personnes qui consultent et pour la notoriété de la profession. La GRAFEM délivre un agrément aux associations, organismes de formation et graphothérapeutes qui répondent aux critères de sélection établis par un panel de praticiens confirmés.
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Contact presse :
presse@fede-grafem.org
Pour en savoir plus sur la Fédération GRAFEM et retrouver l’annuaire des graphothérapeutes agréés :
www.fede-grafem.org
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